La chaise n° 14

Usines Cambier, vers 1900, hêtre, collection Cercle Royal d’Histoire et d’Archéologie d’Ath.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Jean-Pierre Ducastelle

Président du Cercle Royal d’Histoire et d’Archéologie d’Ath

Cette chaise est un produit emblématique de l’industrie athoise du bois. Ce modèle a été réalisé par les usines de Léon et Henri Cambier mais on le retrouve dans les catalogues des autres entreprises.

La conception de cette pièce de mobilier solide, en hêtre, est l’œuvre d’un industriel allemand, Michael Thonet (1796-1871), installé en Autriche et dont l’entreprise a rayonné en Europe occidentale et orientale. Cet objet utilitaire et bon marché, fabriqué dès 1859, constitué de six pièces seulement, utilise la technique du bois courbé à la vapeur mise au point par l’industriel. La chaise, vendue à plus de 40 millions d’exemplaires, a aussi pris plusieurs formes dérivées en fonction de la nature du siège (canné ou perforé) et du renforcement (entrelacs, croisillons ou cercle).

A Ath, Léon (1842-1919) et Henri (1847-1922) Cambier, fils de l’ébéniste Emmanuel Cambier (1815-1856) créent une usine mécanisée. Leur entreprise se développe dans les nouveaux bâtiments construits le long du canal à partir de 1880. Ils adoptent la technique du bois courbé en 1887. Au début du 20e siècle, l’affaire occupe plus de 500 personnes. Elle va continuer avec Emile Cambier (1870-1935) et ses fils jusqu’au milieu du 20e siècle.

Une entreprise concurrente est fondée en 1872 par les frères Herman et leur beau-frère François Carton (1844-1922). Celui-ci prend le contrôle de l’affaire en 1894. Son fils, Myrtild (1874-1948), et son petit-fils Philippe (1912-1993) ont continué la production. Les fondateurs ont appris leur métier au faubourg Saint-Antoine à Paris où les frères Cambier ont aussi perfectionné leurs connaissances. Ils utiliseront également la technique du bois courbé à la vapeur. A la veille de la Première guerre mondiale, l’usine occupe plus de 400 ouvriers.

A côté de ces deux entreprises, Ath a aussi 24 ateliers d’ébénistes et de menuisiers. Parmi ceux-ci, se distinguent les deux ateliers mécanisés d’Emile Gignez (1898) et Léon Delmée (1901).

L’industrie athoise du bois ne se limite pas à la réalisation de chaises de consommation courante, en grande série. Elle a aussi vendu du mobilier ordinaire et des réalisations de style. Les usines Delmée et Carton sont toujours actives mais elles assurent la commercialisation de mobilier fabriqué à l’extérieur.

~ UN AUTRE REGARD ~

Vincent RASNEUR

General Manager, Höganäs Belgium

La vieille chaise élégante de Mr Cambier et les poudres d’alliages métalliques spéciaux d’Höganäs, plus de 100 ans les séparent, rien à voir donc ? Et pourtant…

Les objets eux-mêmes ne se ressemblent évidemment pas, mais ils ont beaucoup en commun :  la technologie innovante qui est à la base du succès, le sens du commerce qui permet d’entrevoir tout le potentiel de l’idée, l’esprit d’entreprise qui pousse à prendre des risques et à investir, la capacité technique des équipes à réaliser ensemble le projet, l’ambition globale qui pousse à dépasser ses frontières naturelles pour exporter sur d’autres continents, la communication, sur catalogue déjà à l’époque, virtuelle aujourd’hui, pour se faire connaître des consommateurs où qu’ils soient, et enfin, hier comme aujourd’hui, un solide ancrage local qui assure la prospérité économique, indispensable fondation du bien-être collectif durable.

« Ceci n’est pas une chaise », c’est bien plus…