Astrologiae iudicariae ysagogica

Jean Taisnier, Cologne (apud haeredes Arnoldum Birckmanni), 1559, Archives de la Ville d’Ath.

Traité sur la mendicité

François Taintenier, 2e édition, 1775, Archives de la Ville d’Ath.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Claude Bruneel

Université Catholique de Louvain

Le paupérisme constitue un problème endémique du 16e au 18e siècle, plus encore dans les villes que les campagnes. Les maux qui en découlent, mendicité, vagabondage voire diverses formes de délinquance, ont entraîné pendant deux siècles une réponse sécuritaire, avec un arsenal de mesures répressives de plus en plus dures, mais à l’efficacité limitée. Toute personne valide est censée subvenir par son travail à ses besoins et à ceux de sa famille. À défaut, elle encourt les sanctions réservées aux « oisifs » et aux « fainéants ». La notion de chômage involontaire n’a pas cours. Seuls les invalides sont autorisés à solliciter la charité au lieu de leur naissance. Les mendiants étrangers sont chassés du territoire urbain. L’aide aux démunis est largement tributaire de la charité privée. Les moyens sont dérisoires face aux besoins et les abus nombreux.

Au fil du temps, les notions d’assistance et de répression demeurent toujours étroitement liées. En 1774 encore, lors de la création de la maison provinciale de force de Flandre, l’établissement d’un quartier spécial destiné à l’enfermement des pauvres en état de travailler est prévu. Cette assimilation de démunis aux délinquants indigne François Joseph Taintenier (1729-1776). Licencié en droit, échevin d’Ath, particulièrement intéressé par les questions économiques et influencé par les physiocrates et les encyclopédistes, il applique avec succès dans sa ville natale, dès 1772, le mode d’assistance pratiqué à Yverdon (canton de Vaud). Il en a découvert l’existence dans l’Encyclopédie œconomique éditée dans la même ville en 1770. Chaque communauté doit pourvoir à la subsistance de ses pauvres. L’assistance a pour but d’encourager le travail et non d’entretenir la fainéantise. L’« aumône générale », une idée déjà développée sans grand succès à l’époque de Charles Quint, repose sur le principe de la centralisation des secours, limités au strict nécessaire, d’un contrôle sévère de leur octroi, et de l’assistance à domicile plutôt qu’en institution. En cas d’insuffisance des revenus, la levée d’une modeste taxe doit permettre de faire face aux besoins. Corrélativement, il est interdit de mendier ou de donner publiquement l’aumône.

Encouragé par son succès, Taintenier rédige un opuscule manuscrit sur le sujet, dédié au gouverneur général. Ses idées vont à l’encontre des vues du gouvernement et le texte est donc voué à l’oubli. Dès lors, il livre ses idées au public en 1774 sous forme d’un traité anonyme, dépourvu du visa de la censure et sans nom d’imprimeur. Ce texte fait réfléchir Vilain XIIII, le promoteur de la maison provinciale de Flandre, qui adhère désormais aux idées de Taintenier en matière de secours aux pauvres. Celui-ci, dans son plan, se fait en réalité l’écho d’un courant de pensée largement répandu dans les milieux philosophiques. Devant l’absence de réactions concrètes à ses propositions, il livre au début de 1775 un Supplément à son Traité dans le but de réfuter les objections qui lui sont faites. Il gagne aussi le soutien d’un polémiste influent, l’ex-jésuite François-Xavier de Feller. La deuxième édition de l’œuvre, cette même année, est un succès. Le gouvernement revoit sa position et plusieurs villes se lancent dans l’application des principes exprimés dans le Traité. Les résultats s’avèrent cependant superficiels et éphémères. Il n’en demeure pas moins que Taintenier est à l’origine de la dissociation des réformes pénitentiaires et de l’assistance dans les Pays-Bas autrichiens.

~ UN AUTRE REGARD ~

Sébastien Morancé

Bibliothécaire en chef de la bibliothèque Jean de La Fontaine (Ath)

En 1947, Léo Verriest, archiviste-bibliothécaire de la Ville d’Ath et éminent historien, déclare : « Suite au désastre de Tournai en 1940, la bibliothèque d’Ath est la deuxième bibliothèque de la province de Hainaut, tant par le nombre de volumes que par la valeur qualitative due à son ancienneté et aux dons divers faits par des professeurs du haut enseignement, des savants réputés et divers personnalités athoises des professions libérales ».

Ces collections sont rassemblées dans deux fonds : la Bibliothèque Athoise gérée par le service des Archives de la Ville (créé en 1865-1866), et le Vieux Fonds de la Bibliothèque Jean de La Fontaine (existant depuis sa création en 1842) : ils regroupent plus de 10 000 volumes, allant du 16e siècle au 20e siècle. La Bibliothèque Athoise s’accroît régulièrement et compte plus de 4000 articles ; elle s’intéresse à l’histoire de l’arrondissement d’Ath, et plus uniquement à l’histoire de la ville. C’est dans cette bibliothèque athoise que l’on retrouve les plus anciens livres, dont les productions de Michel de Bay, de Goudelin, de Taisnier,... édités avant 1600.

Le Vieux Fonds de la bibliothèque comporte quelques trésors cachés : ainsi, des livres religieux fort anciens, datant d’avant 1600, sont conservés mais c’est une exception, la plupart des volumes datant du 17e siècle au 19e siècle. Tous les domaines de la connaissance sont couverts, en particulier la littérature et l’histoire, fort représentés.

A l’heure du numérique, et de la possibilité extraordinaire de consulter la plupart des œuvres anciennes via Internet, quel est l’intérêt de garder ces vieux livres ?

D’une part, ils constituent la mémoire et le patrimoine de la Ville : beaucoup de personnalités de profession libérale, des personnalités politiques et d’ordre judiciaire, … ont fait des dons importants à partir de 1842, et ce jusqu’à maintenant. Des achats par la Ville d’Ath d’œuvres précieuses ont été également effectués durant le 19e siècle. Ces collections font partie du patrimoine de la Ville, à l’instar des monuments architecturaux conservés. D’autre part, la conservation, la communication et la valorisation de ces œuvres anciennes permettent d’exposer aux jeunes générations de formidables témoins de l’histoire du livre et de l’imprimerie, et des objets de grande valeur.

Tout en faisant œuvre de conservation, la Bibliothèque Jean de La Fontaine s’est investie depuis presque 20 ans dans les nouvelles technologies et nouveaux supports de communication comme l’Internet, les CD-Roms, les liseuses, les CD-Audios, les tablettes, … : la vitalité de son Espace Publique Numérique au travers de ses formations régulièrement saturées en terme de fréquentation en est la preuve. Cependant, le livre « papier » traditionnel a encore de beaux jours devant lui…