Paysage d’hiver avec trappe aux oiseaux

Anonyme (d’après Pieter Brueghel), 17e siècle, huile sur bois, collection Cercle Royal d’Histoire et d’Archéologie d’Ath.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Christina Currie

Institut Royal du Patrimoine Artistique (Bruxelles)

Dominique Allart

Université de Liège

Le Paysage enneigé avec trappe aux oiseaux compte parmi les compositions bruegheliennes les plus appréciées. Sous l’apparence d’un paysage hivernal plein de charme, il recèle un message grave et profond. La scène de patinage peut être comprise comme une métaphore de la fragilité de l’existence ; les périls qui la menacent sont symbolisés par la trappe aux oiseaux. On reconnaît bien ici l’inspiration géniale de Pierre Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569), qui a réalisé le prototype dont procède la présente version. Signé et daté 1565, ce tableau est conservé aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles.

On en a conservé une multitude de versions de qualité variable, qui s’échelonnent entre la fin du 16e et le 19e siècle. Le fils aîné de l’artiste, Pierre Brueghel dit le Jeune (1564/5-1637), spécialisé dans la production de répliques et de pastiches d’après son père, a largement contribué à ce succès, puisque 45 des versions répertoriées sont dues à son atelier.

La version d’Ath est d’un format légèrement supérieur à celui de l’original et à celui des copies de Pierre Brueghel le Jeune. Bien qu’elle n’en ait ni la précision ni la légèreté, elle n’en présente pas moins les caractéristiques techniques typiques d’une œuvre réalisée dans nos régions au 17e siècle : un support en chêne, fait de deux planches assemblées à l’aide de goujons de bois ; une couche de préparation blanche, sans doute à base de craie, couverte d’une couche d’isolation « striée » (posée à larges coups de brosse) ; une peinture appliquée par morceaux successifs, en épargnant les formes à venir pour éviter des superpositions inutiles (principe des « réserves »).

L’examen ne permet pas de déceler de « dessin sous-jacent » (dessin préparatoire situé sous la peinture), à la différence des œuvres de Pierre Bruegel l’Ancien et Pierre Brueghel le Jeune. On remarquera que la composition a été légèrement simplifiée. Comparée à l’original et aux copies fidèles de Pierre Brueghel le Jeune, elle révèle quelques omissions : une dame tenant son enfant par la main et un personnage tirant une barque sont absents ; le trou dans la glace, au premier plan, a disparu.

A une époque indéterminée après sa réalisation, le tableau a été amputé de quelques centimètres à droite, ce qui le prive de certains détails porteurs de sens, comme par exemple le fil rouge qui actionnait la trappe depuis la fenêtre d’une maison.

~ UN AUTRE REGARD ~

Engelbert Petre

Animateur-directeur de la Maison Culturelle d’Ath

Voici une scène assez typique d’une petite bourgade où la relation avec la nature est présente et dicte son rythme. Imaginons l’ambiance sonore, feutrée par la neige, où seuls les cris des enfants et des oiseaux viennent troubler le silence. Le grand froid de l’hiver y offre de nouveaux espaces, ouverts à la promenade et au jeu pour une partie de la population. Mais l’inquiétude de la survie reste présente, nous comprenons que piéger un oiseau améliore l’ordinaire.

C’est notamment au travers le climat de cette représentation d’un moment de loisirs et en observant le bâti des maisons hautes, des rues peu marquées, de l’église imposante, qu’il nous est permis de penser qu’il s’agit plus d’une ville naissante que d’un village ou d’un hameau. Le cours d’eau navigable qui la traverse la relie sans doute avec d’autres villes plus grandes. Nous pressentons des métiers divers et variés avec des statuts différents. Le commerce est là et se développe.

Supposons que ces joueurs et promeneurs soient, d’un coup de baguette magique, amenés comme nous à découvrir ce qu’est devenue leur ville aujourd’hui. Il est clair que peu de choses leur seraient compréhensibles,… Et s’il s’agissait d’une séquence vidéo, ils n’y verraient que sortilèges ou l’œuvre du diable ?

Et vous, quand avez-vous marché sur la glace de la Dendre pour la dernière fois ? Savez-vous combien de journées de gel et quelle température faut-il avant de pouvoir marcher sur de la glace ? Et avez-vous déjà eu besoin de chasser des oiseaux pour manger ?

Imaginons les choses encore autrement, comment (dé)peindriez-vous la ville d’Ath d’aujourd’hui ? Ou encore que verra l’Athois de 2516 au travers la peinture que vous ferriez alors de notre ville ? Et cet Athois de 2516, dans quelle ville vivra-t-il ?