Collier du serment de Sainte-Marguerite

Anonyme, vers 1550, argent avec dorures, collection Ville d’Ath.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Laure Dorchy

Historienne de l’art, spécialiste en bijou et en orfèvrerie

Le collier présenté au musée d’Ath se situe au sein d’une tradition de colliers emblématiques, appelés communément colliers de gildes, remontant au 15e siècle dans une zone géographique comprenant l’Angleterre, les Pays-Bas, la Bourgogne, le Saint Empire Germanique et l’Europe centrale.

Au Moyen Âge, le collier occupe une place à part dans la parure. Composé d’anneaux en métal précieux (or ou argent), il sert de réserve monétaire à son propriétaire qui peut bénéficier rapidement de liquidités en faisant fondre un des anneaux pour la valeur du poids du métal précieux. Parallèlement, le collier devient un objet de pouvoir à forte valeur symbolique. Ceignant ostensiblement le torse, il étale et impose des motifs ornementaux facilement déchiffrables par le commun des mortels afin d’authentifier le statut social du porteur. Ces deux aspects ont sans doute conduit les sociétés médiévales à utiliser ce type de bijou comme affirmation sociale ou appartenance à un cercle prestigieux.

D’après de nombreux auteurs, les colliers de gilde descendraient de la famille des Colliers d’Ordre de Chevalerie qui apparaissent dès le 13e siècle. C’est le fameux collier de l’Ordre de la Toison d’Or, instauré en 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui va servir de prototype pour tous les colliers de gilde. Il convient de distinguer deux types de gildes : les gildes militaires et les corporations de métier. La première catégorie, celle qui nous intéresse, regroupe des confréries armées (arbalétriers, archers, arquebusiers, canonniers, couleuvriniers) appelées aussi compagnies sermentées ou assermentées.

Leur collier adopte une typologie bien définie de deux sortes Ils sont soit évolutifs soit définitifs. La plupart sont évolutifs à savoir qu’ils consistent en un assemblage de plaques qui s’ajoutent au fil des années et sur lesquelles sont gravés les noms des Rois. Les maillons reprennent le briquet (ou fusil) de Bourgogne accompagné de flammèches ainsi que la croix de Saint André (la Saint André étant la date à laquelle l’Ordre de la Toison d’Or se réunissait). Des pendentifs figurant les armes de la gilde ponctuent le collier à plusieurs endroits. Au centre trône un médaillon à la gloire du saint Patron de la gilde auquel pend un oiseau appelé Papegai. Ce dernier représente l’oiseau de chiffon placé au bout d’une perche ou d’un clocher que les membres de la gilde doivent tenter d’abattre avec leur arme titulaire. Le collier est remis au vainqueur du concours annuel de tir, dit le Roi, qui finance la nouvelle plaque sur laquelle il a le droit de graver son nom et la date de l’événement.

Notre collier appartient au modèle définitif vu qu’il ne comprend aucune plaque gravée aux noms des rois successifs mais qu’il est fait de huit plaquettes dont quatre aux armes de Bourgogne et quatre figurant des canons, la plaque arrière étant agrémentée de deux arquebuses.

Les archives témoignent de l’importance et de la valeur de ce type de collier puisqu’il est notifié que le Roi de la gilde militaire doit pouvoir assurer la contrepartie monétaire du collier.

La majorité des colliers qui sont parvenus jusqu’à nous sont en argent et/ou en vermeil (argent doré). L’âge d’or de ces colliers couvre les 15e et 16e siècles et même si la tradition traverse les siècles, les amateurs d’art ne s’y intéressent qu’à la fin du 19e/début du 20e siècle. De nombreuses expositions les mettent alors en lumière et certaines associations commandent des modèles d’après ceux du Moyen Âge. Les concours de tir ont encore lieu dans certaines villes de nos contrées et le roi porte alors un collier néo-médiéval, les originaux étant précieusement conservés dans les musées.

Littérature

  • Lightbown (R.W.), Mediaeval European Jewellery, Victoria & Albert, 1992.
  • De Vigne (Félix), Recherches historiques sur les costumes civils et militaires des gildes et corporations de métiers, leurs drapeaux, leurs armes, leurs blasons, etc., F. et E. Gyselynck, Gand, 1847, 82 p.
  • De Vigne (Félix), Mœurs et Usages des corporations de métiers de la Belgique et du Nord de la France, De Busscher Frères, Gand, 1857, 145 p.
  • Brouwers (D.D.), Gildes et corporations, Exposition Rétrospective de Liège, Mai-juillet 1900, Imprimerie Henri Poncelet, Liège, 1900, 51 p.
~ UN AUTRE REGARD ~

Maxime Depotte

Commandant des Bleus, Président de l’ASBL Rénovation du cortège

Ce collier évoque pour moi toute la richesse de notre folklore et ce pour différentes raisons.

La richesse par la beauté…

Avant toute chose, ce collier est bel et bien une œuvre exceptionnelle qui montre le souci du détail et la recherche de la perfection pour les différents éléments du cortège.  Que ce soit pour un char, un géant ou un « accessoire » d’un groupe de figurants, la priorité est de se rapprocher au maximum de la vérité historique par le choix des matériaux ou le choix d’un artisan qualifié pour la fabrication proprement dite. Aujourd’hui encore, la ville, la Maison des Géants et Rénovation du cortège œuvrent dans ce sens.

La richesse par l’évolution…

La ducasse d’Ath vit et évolue au fil du temps. Parfois, la vérité historique s’efface un peu pour laisser place à une évolution folklorique. Ainsi, ce collier des canonniers de Sainte Marguerite était autrefois porté par le chef de la compagnie des bleus, héritière de la guilde des canonniers. Aujourd’hui, ce symbole est porté par un figurant du groupe du canon.

Infidélité historique ou évolution folklorique ? Je préfère opter pour la deuxième possibilité qui montre que notre folklore est et restera toujours vivant !