Portrait de Philippe le Bon

Anonyme, vers 1500, huile sur bois, collection du CPAS.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Elodie De Zutter

Institut Royal du Patrimoine Artistique (Bruxelles)

Ce portrait de Philippe le Bon (1396-1467), Duc de Bourgogne, peint probablement entre 1480 et 1520, est mentionné pour la première fois dans un inventaire des biens de l’hôpital de la Madeleine réalisé en 1864 par Henri Hanneton. Aucun des documents d’archives actuellement dépouillés ne nous apprend ni quand ni comment l’œuvre est arrivée dans l’hôpital athois. Néanmoins, l’inscription en néerlandais sur le cadre original discrédite l’hypothèse d’une commande émanant de l’institution hospitalière.

Dans ce portrait, Philippe le Bon est représenté à mi-corps, tourné de trois-quarts vers la droite et se détachant sur un fond doré. Entièrement vêtu de noir comme à son habitude, il est coiffé d’un chaperon et arbore le collier de l’ordre de la Toison d'or. Ajout ultérieur à la composition originale, la main tenant un document pourrait représenter la charte de privilèges accordés aux sœurs hospitalières par Philippe le Bon en 1449. Cette charte, intervenant dans le cadre de conflits entre les religieuses et les autorités municipales d'Ath au sujet de la gestion de l’hôpital, est en fait généralement considérée comme l'acte de fondation de l'hôpital de la Madeleine. Cette interprétation semble corroborée par l’inscription peinte sur l’encadrement à volutes tardif qui identifie clairement Philippe le Bon comme « fondateur ».

La plupart des portraits aujourd’hui conservés de Philippe le Bon découlent de deux prototypes disparus peints par Rogier van de Weyden (1400-1464) : Philippe le Bon au chaperon et Philippe le Bon tête nue. La typologie dite « au chaperon » était vraisemblablement le portrait officiel du duc, abondamment reproduit. La particularité de la version athoise est qu’elle ne répond pas au stéréotype de l’une ou l’autre de ces typologies, bien qu’elle emprunte une partie de son iconographie au type « tête nue ». Mais son unicité s’affirme surtout dans le réalisme du style qui représente la figure ducale sans la moindre idéalisation.

Par la suite, cette œuvre atypique a été remaniée (différents surpeints et nouveau cadre) pour tenter de la rapprocher du portrait officiel du souverain. Ainsi, dans un contexte de conflits permanents avec les autorités municipales, il n’est pas impossible d’envisager que les sœurs de la Madeleine aient souhaité davantage légitimer leur statut en « officialisant » le portrait de « leur fondateur ».

~ UN AUTRE REGARD ~

Marc Duvivier

Bourgmestre d’Ath

Si Philippe le Bon était un homme politique du 21e siècle, les journalistes seraient bien obligés de reconnaître qu’il présente un bilan remarquable… Au-delà de la boutade, il faut constater que l’action de ce personnage est assez époustouflante.

En quelques décennies, le Duc de Bourgogne parvient à se positionner comme un concurrent des hommes d’état les plus puissants de son époque, le Roi de France et l’Empereur d’Allemagne. Sous son autorité, il réussit à rassembler un vaste territoire comprenant la Bourgogne, la Franche-Comté, mais également l’ensemble des territoires constituant le Benelux actuel. Au-delà, il apparaît comme un excellent gestionnaire. Il réorganise les institutions et instaure de bonnes collaborations entre la noblesse et les villes. Il se pose également en promoteur des arts et de la culture.

Mais Philippe le Bon s’efforce aussi de jouer un rôle au niveau local. A Ath, il aide la ville à se reconstruire après un grand incendie survenu en 1435 ; il fonde l’hôpital de La Madeleine (1449) ; il confirme les droits et les privilèges des habitants (représentation par les échevins, avantages fiscaux, protection juridique,…). Il effectue d’ailleurs plusieurs passages dans notre ville.

Le Duc de Bourgogne a donc laissé une trace indélébile à Ath, surtout grâce à ce magnifique portrait donné à l’hôpital de La Madeleine. Il apparaît dans toute sa splendeur, avec ses riches vêtements et le collier de la Toison d’or. Il s’agit très certainement d’un des éléments les plus remarquables du patrimoine communal. Il appartient maintenant aux hommes politiques du 21e siècle de mettre tout en œuvre pour valoriser le mieux possible cette pièce, ainsi que toutes les autres conservées au sein de nos institutions communales.