Piano droit J. Herman

Joseph Herman, après 1885, acajou et ébène, collection Cercle Royal d’Histoire et d’Archéologie d’Ath.

~ L'AVIS DE L'EXPERT ~

Pierre Bouckaert

Expert en instruments de musique

Cet instrument est un parfait représentant de l'âge d'or du piano (1875-1914). Ce piano, signé « Herman », peut en effet être daté de la fin du 19e siècle. Il est doté d'un clavier, 7 octaves, de la maison « Monte » à Paris, d'une mécanique « à baïonnettes », de marque Gehrling à Paris et de panneaux décoratifs probablement venus d'Allemagne.

Joseph-Camille Herman, issu d'une famille de menuisiers, installé à Ath dès 1860, est d'abord connu comme réparateur d'orgues. Comme beaucoup de ses collègues, le succès grandissant du piano le pousse dans cette voie. En 1868, il dépose un brevet pour un échappement perfectionné (n° 24214), ce qui semble indiquer qu'il ne se contente pas d'être un simple marchand apposant son nom sur un piano acheté ailleurs, pratique courante à cette époque. Cette hypothèse est confirmée par sa présence à deux expositions nationales, à Bruxelles en 1880 et à Anvers en 1885 (il y obtient une médaille d'argent).

Jean-Baptiste Herman est son successeur. En 1894, il se présente comme « fournisseur du Prince de Ligne ». La proximité du château de Beloeil rend la chose plausible. En 1914, sa veuve est toujours active, mais il n'est pas sûr que la firme, comme beaucoup d'autres, ait survécu à la première guerre mondiale. En effet, on retrouve un Arthur Herman actif à Ath de 1921 à 1933, mais uniquement comme marchand de pianos.

Comme le souligne le sociologue Max Weber, le piano est l'instrument dominant et dominateur de cette époque. Pas une maison bourgeoise sans piano ; dans les collèges, pensionnats et autres maisons d'éducation, on les aligne dans des locaux plus ou moins bien aménagés. Même les maisons du peuple ou les foyers ouvriers n'y échappent pas. Quatre vingt cinq pour cent des élèves qui étudient le piano dans les académies et conservatoires sont des jeunes filles car les autres instruments sont considérés comme trop sensuels pour « ces fragiles créatures » en cette époque Victorienne.

En l'absence de toute musique enregistrée, l'omniprésent piano bénéficie de la démocratisation de l’édition musicale qui met à la disposition du public un nombre incalculable de partitions allant de la berceuse enfantine aux grands airs des opéras à la mode. Comme la demande ne cesse de croître, les manufactures de piano se multiplient, d'autant plus que l'arrivée sur le marché d'une foule de sous-traitants les y encourage grandement. Cordes, chevilles, mécaniques complètes, claviers, pédales ou autres accessoires sont abondamment disponibles à des prix de plus en plus bas. Avant la « grande guerre », presque chaque ville compte au moins un facteur de pianos, mais la guerre, puis les progrès de la musique enregistrée, auront raison de cette industrie.

Le présent instrument est un exemple type de ces instruments d'agrément manufacturés en province à la grande époque du piano. Le soir venu, la jeune fille de la maison jouait quelques airs à la mode. Quelquefois, on poussait la chansonnette et on soufflait la chandelle...

~ UN AUTRE REGARD ~

Tangui Catoire

Directeur de l’Académie de Musique d’Ath

Quand on pense « ATH », qu’est-ce qui nous vient à l’esprit ?

Ath, c’est notamment la Ducasse, reconnue au Patrimoine universel de l’Humanité, et son magnifique cortège composé de ses géants accompagnés des différentes fanfares locales. Ou plutôt devrions-nous dire « harmonies »… ! Il est bon de rappeler qu’une fanfare est un ensemble de cuivres alors qu’une harmonie est un orchestre composé d’instruments à vent (cuivres + bois) et de percussion.

Neuf harmonies animent l’univers musical de notre beau « Pays vert ». La musique prend donc une place importante dans le cœur des Athois. La qualité de nos sociétés musicales est reconnue par tous et leur renommée dépasse largement nos frontières. Le niveau artistique et technique des membres de ces groupes est développé par une étroite collaboration avec l’Académie de Musique de notre commune. L’apprentissage de ces différentes disciplines est possible grâce au dynamisme du corps professoral de notre établissement qui, attentif, répond aux attentes de tout un chacun.

Mais il est important de signaler qu’un autre instrument prend une part importante dans le cœur des Athois : c’est le PIANO. A l’heure actuelle, près d’un quart des élèves du domaine musical de notre académie est inscrit dans cette discipline. Et cet attrait pour l’art pianistique ne date pas d’hier… Comme le prouve ce piano fabriqué à Ath dans les années 1880 par la firme Herman, il devait certainement régner sur notre territoire à cette époque un grand engouement pour ce magnifique instrument et toutes les possibilités qu’il offrait au musicien.