Le thème de la transfiguration du Christ a été décrit dans les évangiles de Mathieu, Marc et Luc1. La scène se déroule sur une montagne que le Christ a gravi avec les apôtres Jean (à gauche, vêtu de rouge), Pierre et Jacques. Jésus dialogue avec Moïse (avec les tables de la Loi) et Elie, deux prophètes de l’Ancien Testament. La divinité du Christ apparaît soudainement sous la forme d’une lumière rayonnante. Les apôtres s’écroulent, à moitié aveuglés. Les panneaux latéraux montrent, de manière conventionnelle, les saints patrons ̶ saint Jean Baptiste et sainte Barbe ̶ avec leurs attributs, devant un paysage. Le revers de ces panneaux reprend des deux côtés une composition blanche avec un monogramme dans un cartouche2.
L’œuvre est attribuée à Maarten De Vos (1532-1603), un des peintres anversois les plus importants et productifs de la deuxième moitié du 16e siècle. La composition et les personnages sont étroitement liés à son œuvre3. L’italianisme doux et élégant inspiré par le Tintoret et Raphaël, ainsi qu’une élégance raffinée constituaient sa marque de fabrique. Son style était fort en vogue dans l’establishment de la contre-réforme à la fin du 16e siècle. Le fait qu’il soit luthérien n’a en rien gêné sa carrière de peintre d’histoire religieuse.
Plutôt que de reconnaître la main du maître, on entrevoit celle de l’atelier. Tout au long de sa carrière, onze apprentis se sont succédé chez De Vos. Ses fils ont vraisemblablement appris la peinture avec lui. Vu le grand nombre de commandes, l’atelier réalisait une part importante de la production. La différence de « mains » est d’ailleurs souvent perceptible à l’œil nu. La Transfiguration de la chapelle du château de Celle, en Basse-Saxe (1569), reprend le même thème, de manière plus majestueuse4.
De Vos était un créateur d’estampes reconnu : des centaines ont été réalisées par les graveurs de son époque, et des dizaines ont inspiré de nombreux artistes5. Le dessin raffiné de la Transfiguration, conservé à Bruges (collection Steinmetz)6, représente, avec beaucoup de détails, le même thème. Une source directe n’a cependant pas été trouvée pour la composition d’Ath.
Les monogrammes à l’arrière des panneaux renvoient vers les commanditaires non identifiés de l’œuvre7. Parmi les clients de l’atelier de De Vos, on trouvait des patriciens comme des associations religieuses et des corporations. Après 1585, l’église catholique est sortie renforcée des conflits religieux. Une expression triomphante de la Foi se ressent dans l’iconographie de la décennie suivante. Vers 1600, le Christ reçoit à nouveau le rôle principal, les thèmes comme la transfiguration deviennent populaires. Les saints patrons (représentés de préférence sur les volets) continuent à jouer un rôle important et sont, pour les croyants, un exemplum virtutis, un exemple à suivre.
NOTES
Littérature
L’art est une invitation à l’accueil, à l’émerveillement, à la curiosité, au décentrement de soi. Il est intemporel. Un jour, un artiste touché, ému, révolté, émerveillé a voulu exprimer son intériorité. L’œuvre lève un coin du voile qui cache une intériorité qui ne peut que nous échapper, qui doit garder ce mystère et demeurer inaccessible.
L’art est de l’ordre de la question toujours contemporaine du sens. Le sens ne s’impose pas, il se cherche. Se laisser interpeller par un être humain qui partage cette recherche peut nous emmener au-delà de nous-mêmes. Une œuvre peut nous toucher ou non. Elle nous touchera si elle rejoint nos interrogations, notre quête de sens, nos émotions.
L’art nous apprend à nous sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir à l’autre. Il bouscule un monde où l’homme prétend être le centre, un monde qui croit avoir atteint le sommet de la civilisation. Si nous le laissons agir, il peut nous interpeller et nous bouleverser. Or notre civilisation occidentale est dans une impasse ; elle est confrontée à ses limites et les questions de sens ressurgissent de plus en plus. Une œuvre d’art nous rejoint dans nos quêtes les plus profondes, les plus humaines.
Bien sûr nous n’avons pas les clés, nous n’avons plus les clés, mais n’est-ce pas là une chance de ne pas vouloir tout rationaliser, tout comprendre tout enfermer dans une explication, dans une somme de connaissances. Ne pas avoir les clés permet aussi de poser un regard neuf, dénué de préjugés. C’est une chance.
Il incombe ensuite à chacun de faire son chemin, sa recherche et à aller de découvertes en découvertes pour faire un pas de plus sur le chemin de sa propre quête de sens. Il n’y a pas de réponses toutes faites, de dogmes qui disent le sens auquel nous devons adhérer. Il y a la quête que nous partageons tous. Il est bon de ne pas avoir toutes les clés, nous risquerions de croire que nous avons tout compris. Lorsque nous avons tout compris d’une œuvre, cette dernière perd toute sa raison d’être à savoir une invitation à la quête de sens.